Évaluer la qualité des fourrages par leur odeur
Une technique Suisse prometteuse
Produire des fourrages de qualité permet avant tout de réduire son coût alimentaire. Qui dit mauvais fourrage, dit perte d’argent, il est donc nécessaire d’avoir des clés afin de détecter la qualité de son fourrage. L’analyse sensorielle et olfactive sont d’excellents indicateurs. Mais attention à bien les interpréter.
Pauline Woehrlé, Chef marché agriculture biologique et durable Eilyps, s’est entretenue avec Pierre Aeby, spécialiste de l’évaluation sensorielle des fourrages à l’institut agricole de Fribourg qui interviendra cet automne 2020 pour les adhérents d’Eilyps.
Sommaire
Une bonne odeur, ne veut pas dire un bon fourrage !
La plupart du temps lorsqu’on cherche à évaluer la qualité de ses fourrages, on s’oriente vers les outils connus classiques comme les analyses chimiques, infra-rouges ou des abaques de valeurs alimentaires en fonction du stade de fauche et des espèces présentes.
A la ferme, ces évaluations sont complétées par des évaluations sensorielles : humidité, chaleur etc… L’odeur est souvent aussi un critère d’appréciation mais il reste vague et subjectif.
Comme l’indique Pierre Aeby, « une bonne odeur ne veut pas dire un bon fourrage ! Les bonnes odeurs sont souvent trompeuses et synonymes de défaut de conservation pouvant provoquer des pertes de valeurs alimentaires ».
Source : Figure 1. Extrait de la grille d’appréciation, Pierre Aeby, Ueli Wyss
Ces analyses sensorielles des fourrages sont valables sur le foin, l’ensilage de maïs, l’ensilage d’herbe, l’enrubannage et l’ensilage de méteil. Les grilles d’interprétations sont différentes d’un fourrage à l’autre.
Une estimation fiable des pertes de valeur alimentaire au silo
Les pertes de valeurs alimentaires peuvent aller de quelques pourcents à 30% en fonction des défauts constatés.
Pierre Aeby précise : « Il faut en mesurer la conséquence à l’échelle d’une exploitation. 10% de ses fourrages on y prête assez peu attention mais 10% du prix du lait oui ! Une question d’habitude à prendre et pourtant l’impact est important vu les montants engagés pour le semis, la culture, la récolte et le stockage des fourrages »
Prenons un exemple, sur un silo d’ensilage de maïs de 200 tMS :
- Une perte de 10% = 2200€ de pertes
- Une perte de 20% = 4400 € de pertes
Et ceci est valable également sur les ensilages d’herbe, les foins, les enrubannages et les méteils ensilages.
L’évaluation olfactive permet, grâce à des grilles, d’estimer son pourcentage de perte de valeur alimentaire au silo. Une méthode pratique, instantanée mais qui nécessite auparavant un bon apprentissage. N’est pas « nez » qui veut !
A la recherche des mauvaises odeurs : une technique qui s’apprend
L’évaluation olfactive des fourrages est une méthode complémentaire aux analyses et aux autres évaluations sensorielles. Elle est axée sur le repérage des odeurs indiquant une mauvaise conservation et donc une perte de valeur alimentaire. On va chercher à repérer des odeurs de vinaigre, de rance, de vomi, de moût de raisin, de carton mouillé ou encore de caramel. Certaines d’entre elles sont agréables comme le moût ou le caramel mais indiquent néanmoins un défaut de conservation et donc un fourrage de moindre qualité.
« Il faut lutter contre les habitudes de considérer que si un fourrage sent bon, il est bon pour les animaux, ce n’est pas vrai la plupart du temps ». En effet, les vaches comme les humains sont friandes d’odeur caramélisée ce qui n’est pas un gage de la valeur du fourrage !
Une fois que ces odeurs caractéristiques sont repérées et permettent d’évaluer instantanément le potentiel de perte de valeur alimentaire au tas, il faut remonter la chaine de production pour trouver ce qui a provoqué ces odeurs indicatrices.
L’analyse sensorielle pour une meilleure compréhension des points de vigilances
A chaque odeur, un point de vigilance, ce peut-être la longueur des brins, le tassage, l’application ou l’épaisseur de la bâche, le taux de MS à la récolte etc…
D’autre part, ces critères permettent de comprendre ce qui s’est passé dans le fourrage entre sa coupe et sa distribution. En effet, si je distribue un fourrage à 0.8 UFL à mes vaches, deux options se profilent : soit le fourrage sur pied était à 0.81 UFL et auquel cas la conservation est excellente et c’est éventuellement sur la culture fourragère qu’il faut travailler. Soit le fourrage sur pied était à 0.9 UFL et dans ce cas, l’analyse sensorielle permet de trouver assez facilement les pistes de ce qui n’a pas été réussi dans le process de récolte et de conservation. C’est cette analyse différentielle qui permet de trouver les pistes d’améliorations les plus appropriées à son exploitation.
Des critères olfactifs de champions !
Ces critères d’évaluation sensorielle ont été mis au point il y a 7 ans par Pierre Aeby de l’Institut agricole de Fribourg et Ueli Wyss de l’Agroscope. Ils sont régulièrement utilisés dans le conseil en élevage et servent même de critères de sélection pour le championnat des meilleurs foins qui a lieu une fois par an dans toute la Suisse Francophone. Les élèves des écoles agricoles en sont les juges, accompagnés par Pierre Aeby. Les meilleurs fourrages sélectionnés par l’évaluation sensorielle sont ensuite analysés en laboratoire afin de confirmer leur qualité. Selon Pierre Aeby, dans 4 cas sur 5, l’analyse sensorielle est validée par celle réalisée en labo.
Des formations pour les adhérents Eilyps à l’automne 2020
Pierre Aeby viendra nous rendre visite en Bretagne pour des sessions de formations très pratiques. Vous pourrez y apprendre à travers des ateliers pratiques sur vos propres fourrages à dépister les odeurs indicatrices et comprendre leur implication pour l’amélioration de vos chantiers de fourrages. Des économies sont en vues !
Des journées élevages laitiers, bovins viandes, caprins lait et ovins seront prévues.
Pour plus d’informations contactez Pauline Woehrlé, chef marché AB et durable, pauline.woehrle@eilyps.fr
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